Les gardien.nes de troupeaux des Hautes-Alpes veulent pouvoir discuter de leurs conditions de travail !

Les gardiennes et gardiens de troupeaux des Hautes-Alpes en colère face au mépris de la FDSEA 05 qui refuse d’aborder leurs conditions de travail. Ils étaient présents lors de l’Apéro des Luttes du mois d’avril à l’Union Locale de Veynes, retrouvez les sur notre chaîne Youtube :

Un syndicat patronal qui fuit la discussion

Aujourd’hui, lundi 8 avril, était prévue une réunion de mise en conformité de l’accord territorial concernant les conditions de travail des salariés agricoles du 05. La réunion, prévue de longue date, devait porter spécifiquement sur la question des gardien.nes de troupeaux, profession largement représentée dans les Hautes-Alpes. La FDSEA 05 a décidé d’annuler la négociation, sous un prétexte ubuesque : des conditions météorologiques « défavorables » ! Pourtant, en passant la tête à la fenêtre, il ne fait ni beau ni mauvais ce lundi. Entant que salarié.es qui travaillons dehors toute l’année comment ne pas y voir le plus pur mépris ?!

Depuis février 2023, jusqu’à mars 2024 la FDSEA a annulé toutes les rencontres prévues dans le département, se contentant de se rendre a une réunion annuelle obligatoire. En 2021 est adoptée la nouvelle convention collective pour les salariés agricoles et CUMA. Son préambule spécifie l’obligation de réaliser des mises en conformités avec les accords départementaux en vigueur jusqu’alors. Dans le 05, cet accord concède aux gardien.nes de troupeaux quelques avantages – toujours bien insuffisants au vu de de conditions de travail que nous subissons. La FDSEA use de tous les moyens pour continuer a exploiter au mépris de la loi et du code du travail.

Des conditions de travail pas à la hauteur pour les gardien.nes de troupeaux

Faire durer ce processus de mise en conformité est un moyen de ne jamais se confronter à la réalité de nos conditions de travail et à la précarité que nous dénonçons avec nos syndicats.

Suite à ces annulations en série, nous avons décidé de rappeler les conditions de travail et de rémunérations auxquelles font face les gardiens de troupeaux : la précarité, les nombreuses heures de travail non rémunérées, le travail au SMIC, les logements insalubres et dangereux, l’équipement et les chiens de conduite entièrement à nos frais, les discriminations racistes et sexistes, etc. Les employeurs sont confrontés à des problématiques de recrutement et de formation de leurs salariés d’alpage. Et pour cause, le turnover dans le métier est intense, et on estime qu’une carrière de berger est de 5 saisons en moyenne. Cinq saisons, c’est environ le temps qu’il faut pour devenir un professionnel aguerri. Il y a donc effectivement un gros problème dans la profession.

Les éleveurs nous confient leurs troupeaux, et nous devons nous en occuper en quasi-autonomie, en étant présent 24/24H sur notre lieu de travail. Nous sommes rémunéré 35H à 44H par semaine, quelque soit le temps réel que nous avons travaillé. Notre rémunération est bien en deçà de ce qu’elle devrait être, et le temps de travail (vraiment) réalisé va bien au-delà du temps de travail légal. En 44H, nous devons nourrir les animaux, les soigner et les protéger des prédateurs, tout en gérant la ressource en herbe et respecter d’éventuelles MAEC. Pour vous donner un ordre d’idée, une brebis doit pâturer 8H par jour, sur une semaine de 6 jours, cela représente déjà 48H uniquement pour la garde !

A ce temps, on rajoute le temps de la chaume, faire les parc, soigner les animaux, entretenir les installations, effectuer le ravitaillement, faire les constats de prédation, rechercher des bêtes, soigner les chiens… Cela fait beaucoup d’heure de travail qui n’apparaissent pas sur la fiche de paye ! Nous sommes dans une situation de travail dissimulé qui est généralisée.

Triple peine pour les salarié.es

Pour les gardiens de troupeaux, c’est la triple peine :
• Nous travaillons trop, au détriment de notre santé.
• Nous ne sommes pas rémunérés pour toutes les heures supplémentaires que nous effectuons au delà de nos contrats.
• Toutes ces heures non déclarées ne sont comptabilisées ni pour notre chômage ni pour nos retraites.

Nous finissons la saison d’estive sur les rotules, et en redescendant, nous sommes encore confrontés aux fins de mois difficiles. A ce rythme là, la passion est vite éteinte, et l’on comprend que nombre de nos collègues arrêtent le métier. La précarité nous pousse à être Sans Domicile Fixe. Les salaires sont trop bas pour que l’on puisse assurer un loyer pendant la période d’estive et les gardiens de troupeaux sont donc souvent contraints de vivre dans leur véhicules, d’être en colocation ou de sous louer leur logement pendant l’été. Concernant les salaires, le travail que les employeurs confient aux salariés est d’une grande complexité.

Il requière des connaissances théoriques et pratiques importantes en zootechnie, une lecture fine de la montagne, de la météo, de la botanique, une grande autonomie ainsi qu’un certain sens de la survie en milieu difficile, avec l’équipement minimal ! Or en refusant la mise en conformité, le patronat refuse d’aborder la question des salaires et d’un palier minimum permettant une juste reconnaissance de nos
qualifications.

Des solutions pour des conditions de travail dignes

Concernant le logement: les employeurs se cachent derrières des problématiques administratives réelles (autorisation et coûts des travaux en montagne). Mais des solutions simples peuvent être adoptées pour respecter la dignité, la santé et la sécurité du salarié: fournir des bouteilles d’eau minérales pour que le salarié puisse boire sans s’intoxiquer. Mettre en place des toilettes sèches. Nettoyer le logement avant l’arrivé du salarié. Protéger les matelas de la poussière et des rongeurs. Fournir un frigidaire qui fonctionne à gaz ou sur des panneaux solaires. Réviser le système de chauffage chaque année.

Ces pratiques simples et peu onéreuses changeraient grandement nos conditions de travail et elle ne sont même pas adoptée par la plupart des employeurs. Nos constats sont alarmants et les gardiens de troupeaux, en prenant conscience de leur propre misère, sont en colère. La mise en conformité des accords et la création d’un texte reflétant répondant à la réalité de nos conditions de travail est urgente.

Les Hautes-Alpes, loin d’être un cas isolé

Ces annulations dans le département du 05 s’inscrivent dans la lignée du refus de la FNSEA de siéger partout en France : vendredi dernier c’étaient les négociations du département de l’Isère qui ne sont pas tenues (le motif invoqué cette fois-ci : une interview donnée sur France 3 par l’un de nos camarades qui se contentait d’exposer nos conditions de travail), les 4 et 18 mars ce sont deux commissions mixtes du
04 qui ont était annulée au dernier moment, prétextant « l’actualité agricole actuel ».

Le 7 mars, la réunion nationale pour discuter d’un accord général pour les gardien.nes de troupeaux a été reportée à une date inconnue. La FNSEA joue la montre et nous balade d’annulation en annulation, et refuse de se confronter à une réalité qui entache leur image. En nous ignorant, elle ne fait que renforcer notre détermination. Les Syndicats des Gardien.nes de Troupeaux ont des propositions réalistes, prenant en compte le contexte économiques du secteur et permettant de construire un pastoralisme respectueux non seulement des animaux et de l’environnement, mais aussi des salarié.es.

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