Philippe Martinez et Mickaël Correia ont débattu

Écologie, social, même combat ? Plus que jamais, la réponse est oui ! Jeudi 1er décembre Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT et Mickaël Correia, journaliste environnement à Médiapart l’ont largement démontré.

Des luttes qui se croisent

Depuis quelques années, le camp du climat et celui du social semblent avoir dépassé leurs préjugés respectifs à la faveur d’un dialogue franc, aux contradictions assumées. Philippe Martinez l’aborde sans complexe : « Nous ne sommes pas d’accord sur tout, comme sur le nucléaire. Mais nous sommes capables d’en parler sainement, sans tabou, pour choisir de travailler sur les 85% de choses que nous avons en commun. »

Le collectif PJC – Alliance écologique et sociale est né en janvier 2020 de la volonté de syndicats, dont la CGT, et d’associations environnementales de changer les termes du débat et de défendre une vision profondément sociale et environnementale de notre société. Convaincus de la fausse opposition entre la préservation de la planète et la création d’emplois, entre la fin du mois et la fin du monde, ils ont décidé de porter ensemble des propositions fortes de rupture avec le système capitaliste.

Petits pas, l’arbre qui cache la forêt

De son côté, pour relever le défi du dérèglement climatique, le gouvernement persiste à inciter les citoyens à multiplier les « éco-gestes » : rouler à vélo, baisser le chauffage, manger bio et surtout éteindre les lumières. Pourtant, dans une étude publiée en 2019, le cabinet Carbone 4 remet sérieusement en question cette politique du petit pas. Elle met en avant que même si chaque citoyen s’engageait et adoptait un comportant exemplaire, cela ne permettrait d’atteindre qu’une baisse de 25% notre empreinte carbone.

Si cette méthode ne fera vraisemblablement pas pencher la balance en faveur du climat, elle continue de culpabiliser de nombreux citoyens. Pire, dans le monde de l’entreprise comme ailleurs, elle continue à monter les gens les uns contre les autres en plaçant chacun en position de juger la quantité et la pertinence des efforts fournis par son prochain.

Alors pourquoi faire des « éco-gestes » notre seule arme de lutte contre le dérèglement climatique ? Pour Mickaël Correia, c’est d’abord parce que ce poncif nous détourne de l’inaction publique. Comme le souligne Philippe Martinez, ce sont les mêmes procédés qui sont à l’œuvre quand les médias préfèrent faire leurs unes de la fraude aux aides sociales (quelques millions) pour éviter de parler de la fraude fiscale (plusieurs milliards). Pendant que vous êtes occupés à surveiller si votre collègue imprime bien en recto-verso, vous ne vous demandez pas ce que fait le gouvernement ni votre entreprise.

Faire changer l’entreprise

Les salariés qui travaillent dans une entreprise sont souvent les premiers à souffrir des pollutions qu’elle provoque… Et à vouloir faire changer les choses, que ce soit pour préserver leur santé et celle de leur proche ou pour maintenir leur emploi sur le territoire. « Aujourd’hui, quand une entreprise parle de climat, c’est toujours pour détruire des emplois » explique Philippe Martinez. Pourtant, en s’appuyant sur le savoir-faire et le bon sens des salariés, il existe souvent d’autres moyens de produire proprement, près de chez nous, en préservant et en développant l’emploi. Comme le souligne Mickaël Correia, on parle trop peu des emplois à créer dans les filières vertes (rénovation, ENR, mobilité douce) qui sont pourtant indispensables pour créer une véritable rupture écologique.

Autre point de convergence entre les deux hommes, la nécessité de réduire le temps de travail. Une étude récente démontre que faire travailler les salariés du Royaume-Unis quatre jours par semaine au lieu de cinq équivaudrait à supprimer l’équivalent des émissions de la totalité du parc automobile privé. Les revendications portées par la CGT de la semaine de travail en 32H prennent alors tout leur sens pour faire face au défi climatique.

Cesser d’opposer fin du monde et fin du mois.

Vingtième entreprise la plus polluante au monde, Total, a également était au cœur des échanges en incarnant le parfait criminel social et climatique. Sur le front du climat, l’entreprise va forer 400 nouveaux puits de pétrole en Ouganda et prévoit d’ici trois ans des projets pétro-gaziers qui équivalent à 18 centrales à charbon. Elle a aussi récemment fait l’actualité en refusant d’augmenter ses salariés alors même qu’elle affichait un bénéfice net de 16 Milliards de dollars en 2021. S’attaquant directement au droit de grève, le PDG s’est félicité de la réquisition des salariés à domicile par des gendarmes venus les remettre au boulot. Dans de nombreux cas, comme dans celui de Total, les convergences se tissent pour dénoncer les pratiques des mêmes acteurs.

En prenant à bras-le-corps les problématiques environnementales, la CGT ne fait pas un virage écologiste, mais questionne plutôt une logique productiviste. L’enjeu dépasse la simple question de l’emploi pour s’élargir. « Les salariés ont besoin de faire un travail qui a du sens pour eux. D’être en accord avec ce qu’ils produisent, pour répondre à quel besoin, pour qui, dans quelles conditions et avec quels impacts » conclue Alexandra Pourroy qui animait le débat pour la CGT des Hautes-Alpes.

En matière de stratégie de lutte, tout reste à construire, à continuer d’inventer alors, comme le déclarait Mickaël Correia, face à l’éco-anxiété, soyons éco-vénère et laissons s’exprimer nos éco-lères !

Retrouvez l’intégralité du débat « Écologie, social, même combat ? », diffusé sur la RAM05 en cliquant sur ce lien.

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