Jeunes et syndicalisme, ce qu’en dit la science

Jeunesse a parfois du mal à rimer avec syndicalisme. Pourtant, dans une période où les jeunes diplômés appellent à bifurquer pour mettre leur force de travail au service de valeurs auxquelles ils croient, militer peut être une manière de changer le monde.

L’engagement comme une trajectoire

Camille Dupuy est maîtresse de conférence en sociologie à l’université Rouen Normandie et chercheuse au laboratoire DySoLaB. Ses travaux portent notamment sur l’engagement syndical, en particulier chez les jeunes. Elle était présente le 20 janvier, journée d’étude sur l’engagement syndical chez les jeunes, afin d’apporter son regard.

Elle met en avant l’engagement comme une trajectoire, plutôt qu’un but en soi. Ses recherches font émerger trois moments forts du parcours militant : l’émergence de l’engagement, le cheminement des militants et enfin leur expérience.

Le taux de syndicalisation chez les jeunes de moins de 35 ans n’est que de 5%, en parallèle, seulement 6% des élus ont moins de 30 ans. Pour autant, en conclure que la jeune génération est dépourvue de conscience politique est réducteur. D’autant plus quand on sait que les organisations syndicales, et notamment la CGT, ont un fort taux de sympathie chez les plus jeunes.

Une précarité qui n’engage pas à militer

Les travaux de Camille mettent en avant que leur absence dans le monde syndical est plus liée à leur position incertaine sur le marché du travail qu’à un rejet des corps intermédiaires. Pour la plupart d’entre eux, il est difficile d’imaginer s’engager syndicalement alors même qu’ils sont en contrat précaire ou occupent des emplois dits « alimentaires ».

Cette analyse nous impose de mettre le doigt sur deux thématiques majeures. Tout d’abord, celle des discriminations syndicales. Comme en témoignent certains, les discours de bienvenue dans les entreprises s’accompagnent souvent de mises en garde contre les syndicats et les répercussions que pourrait avoir une activité militante sur une carrière en devenir. Cela met en avant l’importance de lutter contre ces discriminations et la nécessité pour la CGT d’être présente lors des moments d’accueil des salariés.

Vient ensuite la question du travail syndical mené en lien avec les plus précaires, qui sont souvent des jeunes. 52.6% des jeunes de 15 à 15 ans qui travaillent ont un emploi précaire. S’adresser à eux, construire autour de leurs réalités du travail d’une part pour lutter contre la précarisation des contrats, mais aussi et simplement pour les impliquer dans cette bataille sont des clés importantes pour intégrer les jeunes.

Un militantisme de proximité

Alors qui sont ces 5% de moins de 35 ans prêts à franchir le cap de l’engagement syndical ? Ils ont majoritairement un emploi stable, se sentent intégrés dans un collectif de travail et sont généralement dans une entreprise de grande taille avec une présence syndicale marquée. Quand ils occupent un mandat, il s’agit généralement d’un mandat de proximité.

Ce sont ces mandats en particulier qui sont aujourd’hui mis à mal avec les CSE. Le « délégué du personnel », mandat prisé par les jeunes, a disparu. Les périmètres des CSE se sont considérablement étendus, enfermant certains élus dans un militantisme qui tant à se professionnaliser, et même, dans certaines organisations, à complètement se couper du terrain. Les « représentants de proximité », qui n’ont pas d’instance où siéger, peinent souvent à trouver un rôle dans cette organisation.

Du renouveau dans les pratiques syndicales

Qu’ils héritent de pratiques militantes par leurs familles ou qu’ils aient acquis cette conscience en réponses à des injustices subies, les jeunes militants se démarquent par leurs pratiques. Ancrés sur le socle « traditionnel » de la représentation et de la défense des salariés, ils participent souvent à remettre en cause les pratiques « ancestrales » des organisations syndicales.

Numérique, collégialité, dépassement du dialogue social institué… Ce vent de fraîcheur et cette manière nouvelle de militer demande, malgré tout, d’être expliqué et partagé afin de ne pas créer de méfiance voir de fossé générationnel au sein des structures. Cela soulève alors la question de la place des jeunes dans les organisations et de notre capacité à accepter une façon différente de procéder, qui pourtant, ne remet absolument pas en cause nos valeurs.

Autant de pistes et d’éléments qui ont permis d’animer les débats de la journée et qui serviront de support à de nombreux débats portés directement dans les syndicats. Plus que jamais, au moment où la CGT se prépare à décider ensemble de ces orientations pour les 3 ans à venir, la jeunesse doit s’exprimer haut et fort afin de dessiner une CGT qui lui ressemble. Une CGT tournée vers l’avenir.

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