Après 7 ans de Contrats d’Intervention Clients et Travaux Réseaux (ICTR), un nouvel appel d’offre a été lancé début 2021 pour répondre aux besoins du domaine de l’intervention.
Sous-traitance – on rebat les cartes
« Relation Client – Centric » n’est pas qu’un changement de nom, c’est la volonté affichée par Orange de mettre en œuvre un nouveau modèle de relation fournisseur. L’entreprise en profite pour repenser la manière dont sont construits et gérés les marchés en lien avec le pôle technique.
L’activité est segmentée en 3 lots, partagés entre un nombre réduit de sociétés. Le premier comprend l’activité fibre, le second regroupe le cuivre ainsi que toute la boucle locale et le lot 3 englobe la maintenance préventive et la gestion de crise.
Orange s’engage par ailleurs à améliorer le niveau de qualité en veillant à ce que les détenteurs des marchés emploient un certain volume de main d’œuvre agrémentée. Concrètement, les salariés seront invités à suivre des moments d’information sur une plate-forme en ligne et valideront leurs connaissances via des quiz, ce qui équivaudra à validation de l’agrément.
La nouvelle attribution des marchés change considérablement la donne et permet à Orange de revoir totalement les relations avec ses prestataires. Scopelec, acteur fort et bien installé localement, se retrouve ainsi écarté sur bon nombre de territoires.
Un changement dans la philosophie du groupe
Outre les emplois menacés, prétexte à une importante levée de boucliers syndicale, cette nouvelle stratégie témoigne d’un vrai tournant dans la philosophie de l’opérateur.
Avec RC Centric, les « partenaires » deviennent des « fournisseurs ». Orange s’affranchit d’une partie de ses responsabilités concernant les entreprises sous-traitantes qui sortent du partenariat pour devenir de simples prestataires. La rémunération des prestations est variable en fonction du respect des exigences liées au contrat. Un système de bonus / malus entre en vigueur avec l’application de pénalité, voir de non paiement, en cas de retard ou si les prestations attendues ne sont pas au rendez-vous.
Les marchés sont donc attribués dans un contexte hyper-concurrentiel où les entreprises pourront, en cas de difficulté de traitement du flux, être remplacés par leurs concurrentes sans modification des contrats.
Vers une filialisation de l’activité technique ?
A l’image de ses concurrents, Orange est aujourd’hui un acteur important du CAC 40. Mais contrairement à eux, l’entreprise est largement tributaire de sa possession du réseau et surtout de la masse salariale liée à son entretien. Ces facteurs de risque la rendent moins stable dans le monde boursier.
A l’image de Free, qui n’emploie ses techniciens que via sa filiale Protelco, Orange pourrait donc, à terme, délaisser le pan « technique » de sa masse salariale. A noter que la politique de filialisation est déjà à l’œuvre dans d’autres parties historiques du groupe puisque les boutiques « maison mère » sont aujourd’hui remplacés par des boutiques « générale de téléphonie », filiale Orange, permettant d’exclure les salariés de la maison mère et de la convention collective des télécommunications.
Cette nouvelle façon de régir l’activité en s’appuyant sur des fournisseurs, responsables de l’activité de bout en bout, pourrait donc être l’un des prémices à cette transformation structurelle de l’entreprise.
Et l’humain dans tout ça ?
Encore une fois, la variable d’ajustement semble être l’humain. Orange réduit sa masse salariale en semblant oublier que derrière le chiffre en bas de la balance comptable, se cachent des histoires.
Dans les rangs de l’opérateur, cette marche forcée menée par Orange sonne aussi comme un adieu à ce qui faisait alors la force du groupe : l’intelligence collective au service d’un rendu de qualité pour tous. Les interventions sont aujourd’hui grandement pilotées et standardisées afin d’être réalisées par n’importe qui. Les techniciens, autrefois acteurs clés du réseau, sont sommés de réaliser du travail d’audit et de vérification afin de s’assurer que d’autres font correctement le boulot pour lequel ils ont été embauchés.
Parfois je me demande à quoi on sert. On a l’impression que si nous n’étions pas là, le monde tournerait de la même façon. A croire qu’Orange ne nous veut que pour promener les voitures. D’ailleurs, mon manager m’a dit que si je n’étais pas bien ici pour faire des audits, la sous-traitance m’embaucherait pour travailler.
Dans les entreprises, ces attributions de marchés ont fait l’effet d’un séisme. Chacun réalise que la précarité d’un poste ne vient pas du type de contrat signé mais également des jeux entre entreprises et donneur d’ordres. Les salariés sont aujourd’hui ballottés entre transferts de compétences, changement de société et lettres de mutation. Derrière les grands drames mis en scène par les entreprises malheureuses au tirage, on peine à imaginer la détresse de ceux qu’une simple attribution de marché force à se déraciner pour parfois tout recommencer ailleurs.
Nous en arrivons à de telles situations que tout ce qui importe c’est d’être repris, de ne pas se retrouver au chômage… Alors nos acquis, nos avantages, ce sont bien les derniers de nos soucis. Je m’en fou de les perdre si je n’ai pas à vendre ma maison pour partir.
Des choix politiques en partie responsables
Il est important de ne pas oublier que ces orientations en matière de gestion des réseaux découlent directement de la volonté portée par l’ARCEP et donc l’état français, de sortir le réseau télécom de la position de monopole détenue initialement par Orange.
Alors que l’entreprise affiche et communique sur ses grandes ambitions en matière de responsabilités sociales et environnementales, de nombreux sujets posent aujourd’hui question. La manière de gérer l’humain s’ajoute à des choix stratégiques qui interrogent en territoire et qui découlent directement de ces orientations.