Il est parfois difficile de comprendre les différents mécanismes qui aboutissent à notre facture d’électricité. On tente de vous expliquer !
Comme dans de nombreux secteurs, l’État espère une baisse des factures en ouvrant le secteur de l’énergie à la concurrence. La loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité ) née en 2010 pour « accompagner et favoriser » la mise en concurrence des fournisseurs d’énergies.
Comme dans de nombreux secteurs, quinze ans plus tard les prix n’ont pas baissés. Après l’arrivée de plus de quarante entreprises privées, ils ont même explosé : + 47 % entre 2007 et 2020.
Une concurrence construite de toute pièce
Ces entreprises ont conquis un tiers du marché des particuliers pourtant la plupart des fournisseurs alternatifs ne produisent pas ou très peu d’électricité. Pour leur permettre d’investir le marché, l’État a imposé à EDF et Engie (ex GDF), qui produisent à eux seuls 90 à 95% de l’électricité française, de fournir leurs concurrents. L’objectif initial est alors de leur permettre d’investir dans des moyens de production d’électricité.
Seul bémol : aucune contrepartie n’est exigé en retour de la part des entreprises privées.
Pour illustrer, imaginez la boulangerie « Au Bonpain » qui possède le monopole dans son secteur. Un jour Madame Europe ne trouve plus ça normal et impose à Mr Bonpain de céder un quart de ses baguettes à prix coûtant à son nouveau concurrent, sans contrepartie. Bien sur Madame Europe espère qu’il utilisera son profit pour investir dans un atelier de fabrication, embaucher du personnel… Et devenir un acteur du marché. Et bien sur, le concurrent de Mr Bonpain empoche le cash sur la simple revente du produit, sans jamais investir dans le secteur.
Voila ce qui se passe pour les fournisseurs d’énergie, après quinze ans ils n’ont pas ou très peu développé d’outils de production ni de transport. Ils réalisent donc des profits sur l’énergie fournie par EDF sans supporter aucun risque industriel. Leur rôle se cantonne globalement à celui d’un revendeur, jouant avec les tarifs d’achat afin de proposer une revente la plus bénéficiaire possible.
Une production à perte
Alors comment font ils des bénéfices ? Depuis 2012, EDF est obligé de vendre chaque année 100 térawattheures à un prix fixe et très faible de 42 euros le Mégawattheure. Ce qui représente tout de même un quart de sa production nucléaire. C’est le fameux dispositif qui s’appelle l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique). Sans lui, la concurrence dans le secteur de l’électricité ne pourrait pas exister.
Ce tarif n’a pas évolué depuis 2012, il ne tient ni compte des frais de production ni de l’inflation. Si bien qu’aujourd’hui EDF, qui produit quasiment toute l’électricité, ne rentre plus dans ses frais.
EDF obligé de vendre plus cher que les autres
Contrairement à ses concurrents, EDF doit appliqué une tarification réglementée fixée par la loi : le tarif bleu.
Jusqu’en 2015, ce tarif était calculé à partir des coûts de production d’EDF de façon à s’en rapprocher le plus possible en laissant une marge à l’entreprise. Aujourd’hui, les tarifs sont basés sur les entreprises concurrentes : achat de l’électricité, commercialisation (démarcharge téléphonique, pub…) et bien sur marge bénéficiaire permettant de rémunérer les actionnaires. Nos factures dépendent directement du business que réalisent ces entreprises.
Ce principe est acté par le Conseil d’État : le tarif réglementé de l’électricité doit permettre aux opérateurs concurrents de proposer des offres à prix égal ou inférieur aux tarifs réglementés. Le tarif réglementé doit donc être assez haut pour permettre à ces entreprises de faire de la marge et de rémunérer leurs actionnaires.
Des directives européennes qui pèsent sur la transition énergétique
Malgré tout, comme les autres, EDF se doit de prendre sa part dans la transition énergétique. Le développement des énergies renouvelables et plus propres fait partie de sa stratégie et pousse l’entreprise a faire de gros investissements dans ces secteurs. Cette stratégie de modification du mix énergétique répondant aux orientations nationales en matière de climat, il serait donc normal que l’état puisse y contribuer. Pourtant, au nom de la libre concurrence, l’Europe l’interdit.
L’État français ne peux ni financer des investissement ni même se porter garant d’emrpunt pour EDF, qui est pourtant encore une entreprise public. En résulte des taux allant de 4 à 7% quand un emprunt d’état atteint les 0.2%. Ce chiffre, qui paraît anecdotique, représente un surcoût de 15 à 20 Milliards d’euros chaque année jusqu’en 2060. 15 à 20 Milliards par an qui alimentent la finance et la spéculation plutôt que la transition écologique. C’est l’équivalent de 295 euros sur la facture des français chaque année, censés garantir le « cap climat » qui alimentent notamment les énergies fossiles via les marchés.
Une mise à mort d’EDF
Une vue d’ensemble sur cette problématique laisse apparaître que la France est très loin de proposer un marché de l’électricité ouvert en concurrence libre et non faussée. La libéralisation du marché n’a pas fait baisser les prix, ni stimuler l’innovation. Les concurrents sont largement favorisés au détriment de la transition environnementale. En 15 ans les prix ont presque augmenté de 50% et l’investissement dans la transition énergétique se fait au profit des marchés.
Les fournisseurs alternatifs, censés investir dans leurs propres moyens de production à terme, ont réalisé d’énormes bénéfices, en spéculant sur les marchés de l’électricité à partir des approvisionnements garantis par EDF qui supporte, seule, tous les risques industriels.
Face à cette envolée des prix, la seule réponse de l’État est de renforcer le mécanisme absurde de l’ARENh et d’obliger EDF à vendre 20TWh supplémentaires à ses concurrents. Seulement, ces dernières décennies, la politique mise en place par l’état, l’actionnaire majoritaire, ne permet plus à EDF de produire autant qu’il y a 25 ans. Ces 20 TWh l’entreprise ne les a plus. Elle va donc devoir aller les acheter sur les marchés Européens de l’électricité, au plus haut en ce moment. L’État impose sciemment à EDF d’acheter les 20TWh à un prix de 300€ à 900€ / mégaWh pour les revendre 46€. Cela revient à demander à EDF de donner 8 Milliards d’euros à ses concurrents.
A l’heure où la transition énergétique est un enjeux clé pour tous, il est insupportable de constater à quel point ces différents effets mécaniques pénalisent tant l’usager que l’environnement. Une autre vision du secteur de l’énergie est possible, elle est notamment portée par les militants de la CGT FNME.