Santé – 20 000 suspensions, 5700 lits fermés et tout le reste !

Loin de voir ralentir la casse organisé de l’hôpital, ceux qui ont été applaudi tous les soirs pendant le premier confinement continuent d’être en première ligne. Le point sur le malaise des soignants.

Des droits à la carte

Nous passons beaucoup de temps en ce moment à faire respecter les droits des agents, fortement bafoués dans la période. Nous voyons de plus en plus des directions autoritaires, déloyales et maltraitantes qui ne veulent rien savoir. L’arbitraire est généralisé… La gestion est mise en place « à la carte » selon les territoires et selon les établissements.

Depuis le début du quinquennat Macron, la volonté  est forte de mettre en place un code du travail différent par entreprise et un « para-statut » local différent dans chaque établissement. Chaque nouveau texte apporte une pierre à cette construction. Cela se renforce avec la crise sanitaire, puisque les droits collectifs et les libertés fondamentales sont devenus dérogatoires.

Non respect de la réglementation sur les arrêts maladie

Par exemple, on voit tout et n’importe quoi sur les contrôles des arrêts maladie. Pourtant la réglementation est claire : la législation en vigueur prévoit la possibilité pour l’administration de demander une contre-visite médicale d’un fonctionnaire placé en arrêt maladie à l’article 15 du décret n°88-386 du 19 avril 1988. Cette contre-visite doit être réalisée par « un médecin agréé » devant figurer sur une liste des médecins agréés par l’ARS. L’agent peut contester les conclusions du médecin agréé par un recours suspensif devant le comité médical. Pour les contractuels de droit public et les salariés du privé, c’est le médecin conseil de la CPAM qui convoque et réalise une contre-visite.

Depuis le mois d’août la position de la CGT n’a pas changé. Ce n’est pas légal de suspendre un agent en arrêt maladie. Le gouvernement l’a d’ailleurs reconnu, oralement, lors d’une réunion ces derniers jours. Pourtant sur le terrain on voit des pratiques très différentes selon les territoires et selon les directions.

La suspension : une sanction qui ne dit pas son nom

Depuis le début il est affirmé que le fait de ne pas être vacciné n’est pas une faute et que la suspension de rémunération n’est pas une sanction. Nous affirmons que la suspension est une sanction disciplinaire qui ne dit pas son nom. Certains courriers de l’ARS envoyés aux directions parlent d’ailleurs bien de « sanctions ».

Pendant ce temps, certains agents sont en détresse totale. Nous encourageons ceux qui sont suspendus à faire des demandes d’aides exceptionnelles au CGOS. On ne sait pas si cela va marcher mais c’est une piste à tenter.

Le secret médical bafoué

Quand une administration crée des fichiers avec des données médicales, qu’elle travaille dessus, qu’elle les diffuse… La CGT y voit clairement une violation du secret médical.

Le syndicat CGT du CHU de Toulouse a découvert que l’administration de l’établissement a mis en place de manière illégale un traitement automatisé des données concernant les éléments médicaux de l’ensemble des agents du CHU. Le syndicat a porté plainte pénalement et auprès de la CNIL. Des agents ont également fait la même démarche.

Dans le cadre d’une violation du secret médical, les sanctions prévues vont jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende. Et dans le cadre de la violation du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), il est prévu pour les contrevenants jusqu’à 5 ans de prison et 300 000 euros d’amende.

De nombreux établissements font la même chose, partout en France. Et cela a commencé bien avant la loi du 5 août 2021. De mois en mois, les « lignes rouges » sont franchies les unes après les autres. Pour la CGT il est clair qu’on ne peut pas faire tout et n’importe quoi, y compris en temps de crise sanitaire.

Les CHSCT peuvent et doivent faire des « droit d’alerte » sur la violation du secret médical, convoquer des CHSCT extraordinaires, prévenir l’inspection du travail, prévenir les agents de leur droits et des possibilités de recours… Notre rôle est que les droits fondamentaux des agents soient respectés. Le secret médical et le droit à la vie privée en font partie.

Des conditions de travail de pire en pire

Les membres des CHSCT peuvent également émettre un droit d’alerte pour un « danger grave et imminent » pointant l’impact du passe sanitaire sur le bon fonctionnement de l’établissement et sur la mise en place d’une discrimination de l’accès aux soins pouvant engendrer des risques pour les personnels, les patients et la population.

Ils peuvent également alerter sur le fait que les personnels sont soumis à une pression intense depuis le début de la crise sanitaire. Nous croisons tous les jours des soignants qui nous alertent sur des situations pouvant s’apparenter à de l’épuisement professionnel et qui sont en situation de grande détresse.

Jamais nous n’avons rencontré autant de personnel désirant savoir : « Comment on démissionne ? » « Comme on se met en dispo ? »« Comment on peut changer de métier ? »… ou encore abdiquer : « Je ne me vois pas travailler comme ça pendant des années ! »

Un gouvernement qui ne se remet pas en question

Et malgré cela, le gouvernement refuse toute remise en question de sa stratégie politique et continue de s’y enfoncer. Concernant les attaques sur les droits, cet été j’ai vu passer un projet de décret modifiant le décret 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps et à l’organisation du travail avec entre autres :

  • L’annualisation dans la fonction publique hospitalière (annualisation possible quand l’activité est variable au cours de l’année ce qui touche quasiment tous les services. Ils veulent aller vers la fin des cycles de travail, ce qui serait un recul important pour les personnels. Ils veulent optimiser au maximum l’activité.)
  • Le forfait jour obligatoire sans durée de travail quotidienne pour les cadres (ils parlaient de renforcer le volontariat, mais là on serait carrément dans de l’obligation.)
  • Le temps de repos quotidien qui passerait de 12h00 à 11h00 entre deux journées de travail (on leur dit que le personnel est épuisé et là, ils veulent leur enlever encore 1h00 de repos.)

Alors nous sommes en droit de nous demander : quelle est la limite ? Quand arrêteront-ils cette casse de notre système de santé ?

Un effectif et des moyens très loin du compte

La CGT Santé et Action Sociale a mené une enquête fin 2019 et début 2020. Il en est ressorti un manque d’effectifs autour de 12% dans nos établissements correspondant en emplois manquants à :

  • 100 000 emplois dans les hôpitaux
  • 200 000 emplois dans les EHPAD
  • 100 000 emplois dans le reste du médico-social et du social

Pourtant les suspensions continuent de mettre le secteur en tension. Quand M. Véran parle de 3000 agents suspendus, nous en comptons 20 000 ! Auxquels s’ajoutent les démissions, les agents en disponibilité et ceux en arrêt maladie. On nous matraque avec « l’obligation de continuité de service public », pour remettre en cause le droit de grève, pour remettre en cause la durée de travail, pour les retours sur les repos, pour bafouer les droits… Mais, aux vus de ces chiffres nous sommes en droit de penser que c’est loin d’être la priorité du gouvernement !

Lors de la première vague, nombreux sont les établissements a avoir embauché des ASH pour assurer les tâches d’hygiène. Pour les suivantes, ce n’était plus le cas. Il est facile de rejeter la faute sur les personnels quand les directions et les pouvoirs publics ne mettent pas les moyens…

Avant la pandémie, nous disions régulièrement que 100 000 lits avaient été fermés en 20 ans, et qu’il valait mieux ne pas avoir de gros besoins à l’avenir. Début 2020, la crise sanitaire a mis en lumière aux yeux du grand public ce manque de lits qui a fortement influencé la gestion de la crise comme la restriction de nos libertés.

Pourtant, les fermetures de lits continuent puisque de nombreux grands médias ont relayé cette semaine une étude de la DREES mettant en lumière la fermeture de 5700 lits en 2020 et la fermeture de 25 établissements publics et privés. Il est alors facile de mesurer le double discours qui nous est opposé, ces données tranchant clairement avec les « Nous sommes en guerre »… »quoi qu’il en coûte ».

Du sabotage organisé ?

Un collègue nous disait ces derniers jours : « Ne pourrait-on pas porter plainte pour sabotage ? »

Quand on regarde l’Article 411-9 du code pénal, il est précisé que :

« Le fait de détruire, détériorer ou détourner tout document, matériel, construction, équipement, installation, appareil, dispositif technique ou système de traitement automatisé d’informations ou d’y apporter des malfaçons, lorsque ce fait est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, est puni de quinze ans de détention criminelle et de 225 000 euros d’amende.

Lorsqu’il est commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère, d’une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger, le même fait est puni de vingt ans de détention criminelle et de 300 000 euros d’amende. »

5700 lits fermés en un an, et surtout dans le contexte actuel, cela ressemble donc fortement à du sabotage. Une autre collègue nous disait : « Ne pourrait-on pas faire une action en responsabilité de l’État ? » C’est une autre possibilité.

Les personnels à bout

La situation, bien que difficile, ne doit pas être un prétexte pour infliger une extrême pression, menacer ou harceler les personnels ! Il est possible de saisir le juge des référés libertés pour faire cesser une situation de harcèlement (quand c’est le début et qu’il y a urgence). Il y a aussi les droits d’alerte du CHSCT. L’agent peut demander une protection fonctionnelle. Et bien entendu, il y a le rapport de force à construire ou à renforcer partout !

Quand la relation est respectueuse et qu’il est possible de dialoguer, c’est mieux. Mais quand nous avons en face de nous des personnes qui ne respectent aucune règle et aucune loi, alors c’est œil pour œil, dent pour dent.

Quand ils attaquent sans cesse les gens, les gens ne réagissent pas tout de suite. Ils supportent, ils encaissent, ils plient un genou à terre… Et puis à un moment, il y a une goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le problème, c’est que tous les vases de nos vies privées et de nos vies professionnelles sont déjà énormément remplis. Nous rentrons dans une période à hauts risques où de plus en plus de gouttes d’eau vont faire déborder des vases. Il va suffire de très peu de choses pour enflammer les consciences.

Il faut en avoir conscience, il faut se préparer, s’organiser, rester le plus unis possible entre nous et mener tous les combats qui seront légitimes et ne rien lâcher !

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